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Jamie et Ronny Ris: Dogstar tattoo, une Histoire de famille

Report by DHK, James C., Sid L-Boy

A une vingtaine de kilomètres d’Amsterdam, à Aalsmeer ,on retrouve Ronny Ris (le père), Jamie (le fils), Manuela (la mère) et Dana (la Fille). Ambiance agréable autour d’un bon café et ponctuée de nombreuses farces pour l’interview qui suit.

Ronny, le patriarche, a fait des études dans le graphisme et passe quelques années dans une agence de pub à faire des illustrations et des story-boards. Lassé, il plaque tout, se met à la sculpture et à la peinture. C’est à cette époque qu’il commence à faire des dessins pour des tattoos que lui et ses potes se font encrer. Le tatoueur, Rob Deut qui pratique le tattoo ethnique, tribal et polynésien dans son shop «  Seven seas » remarque son travail et le motive à tatouer. On est en 1996, il y a plus vingt ans: l’aventure du tattoo commence pour Ronny. Il tatoue les premiers temps dans son atelier privé sur Amsterdam. S’installe à Aalsmeer. Usé par les aller-retours entre la banlieue et Amsterdam, il décide d’ouvrir son premier shop en 1999 à Aalsmeer, un tout petit local de 18 m2. Après deux déménagements le local est toujours dans la même rue mais il fait 100m2.

dana ris, famille ris, tatoueurs, tattooManuela, son épouse l’aide à tenir le shop, elle fait le management, soude les aiguilles et reçoit les clients. Elle a aussi une sensibilité artistique, elle se met à tatouer pendant quatre ou cinq ans mais une opération du poignet stoppera sa carrière. Elle continue à aider au shop, fait les piercings. Par ailleurs elle s’occupe de leurs trois enfants. A l’arrivée du quatrième chérubin, Cody, les deux activités se compliquent. Ronny ayant besoin de quelqu’un, demande à Jamie qui a seize ans et qui ne brille pas par ses prouesses scolaires de le rejoindre pour remplacer sa mère.

Jamie tatouera pour la première fois à dix ans, son père. Pendant son enfance, il habite à Amsterdam et admire les graffitis qu’il voit passer sur les trains et s’intéresse rapidement à cet art plus qu’au tatouage. Vers treize ans, il commence à bomber tout ce qu’il peut, il rejoint un crew dont nous tairons le nom, par prudence, pour ne pas voir débouler les flics chez Dogstar. De 16 à 20 ans, il aide son père au shop, commence à faire des dessins pour les clients sans vraiment s’investir dans le tattoo. Un des habitués de la boutique, lui demande « Puisque tu m’as fait le dessin, tu ne voudrais pas me le tatouer? » . Jamie passe des crayons à la machine.

Vers 23/24 ans, il s’intéresse vraiment au tattoo, avec l’arrivée des réseaux sociaux. Il découvre sur « Myspace » le travail de Bez du studio « 666 » en Angleterre et d’autres artistes du monde entier. « Ca n’a pas vraiment été une inspiration, c’est plus leur technique qui a été un déclic » nous raconte-t-il. Avec le tattoo, Jamie délaisse le graffiti que du coup il pratique peu par manque de temps.

Son père est son mentor: il lui apprend le tattoo, lui fait découvrir de nombreux artistes du tatouage mais surtout de bandes dessinées et de la sculpture. Jamie recherche le plus souvent l’inspiration dans d’autres arts que le tatouage. « Dans le « newschool », tous les artistes se connaissent entre eux. Ils sont tous connectés et donc s’inspirent les uns des autres mais parfois quand tu regardes une autre forme d’art, tu trouves de nouvelles idées » nous confie-t-il.

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Le graffiti est une de ses influences. Il admire le travail Bom.K, Daim, Kram, Seak en autres. Pour l’art digital, il apprécie les travaux de Jorge Sefy et Ryan Woods. Parmi les tatoueurs, il suit les travaux de Timmy B., Victor Chil, Logan Barracuda, Tanane Whitfield, Kelly Doty, Tony Ciavarro et de nombreux autres. Son style, quand même plus influencé par son humour et son imagination débordante a une vraie originalité.

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elfe, new school, color tattoos, tatouagetatouage, jamie ris, ris family, tattoosLa dynastie Ris ne s’arrête pas là.

Dana, la fille de Manuela et de Ronny a pris la place de Jamie à l’accueil du shop et comme toute la famille, elle tatoue. Dana a été récompensée lors d’une convention ne regroupant que des tatoueuses pour un caméléon cartoon sur la jambe de Jamie. Un début de carrière prometteur.

Cody le petit dernier a déjà tatoué son frère Jamie à l’âge de cinq ans et son père en convention l’année suivante, la lignée continue.

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Quand on interroge Ronny sur l’évolution du tatouage ses vingt dernières années et il nous répond :

« Les gens sont plus au courant de ce qui est possible, qu’il y a plein de différents styles, du coup les tatoueurs peuvent se spécialiser dans un style particulier, se concentrer sur ce qu’ils ont dans le coeur en tant qu’artiste. A l’époque on devait toucher à tout pour travailler tous les jours, on n’avait pas le choix. Ce qui est plus intéressant aussi c’est que les clients viennent pour des projets plus élaborés et aussi plus grands. Ce qu’on a perdu, c’est que tout le monde entre dans un shop facilement comme dans n’importe quelle boutique, il n’y a plus de barrière. Avant il fallait avoir des couilles pour rentrer dans un salon de tatouage, l’ambiance était dark et mystérieuse. Maintenant c’est tellement ouvert. On a perdu un peu de la magie qui avait autour. »

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Une équipe I-tech : tous les tatoueurs de « Dogstar » dessinent sur tablette numérique, nous évoquons avec eux les progrès technologiques qui facilitent le tatouage. Ronny nous explique qu’avant il avait un atelier rempli de matos, aérographe, compresseur, crayons, peintures, pinceaux, chevalets etc etc. Il a tout balancé et maintenant son atelier tient dans sa sacoche. «  J’aime l’ère du digital, ça a fait évoluer la créativité, il faut vivre avec son temps. C’est tellement plus pratique. » nous raconte-t-il.  «  Celui qui suit le progrès évolue plus vite »  dit-il en essayant de nous traduire une citation hollandaise.

Jamie reprend : «  C’est comme si on te demandait d’apprendre à tatouer avec des machines à bobines plutôt que des cheyennes ou des inkjectas ou de souder tes aiguilles maintenant. A quoi ça sert, on va plus vite avec le matériel actuel. La tablette c’est un peu la même chose. L’objectif est de créer ce que tu as en tête, si les inkjectas, les cartouches ou l’Ipad te facilitent le chemin, pourquoi ne pas les utiliser? …Le plus important c’est de faire évoluer ton art, c’est le résultat final qui compte. Les gens qui veulent une peinture ou un tatouage se foutent de la façon dont tu y es arrivé, ce qui les intéresse c’est le résultat. »

Ronny raconte encore : « C’est pas si grave, de toute façon il faut savoir dessiner, c’est quand même pas une technologie si évoluée avec une commande vocale à qui tu dis « dessine-moi une grenouille avec une couronne » et le lendemain c’est fait. »

Il faut aussi reconnaître que c’est une technologie qui ouvre d’autres horizons, la possibilité de faire des collaborations avec des artistes qui habitent à l’autre bout de la planète. Par exemple Jamie a réalisé deux illustrations avec pro create sur iPad pro avec son ami Tony Ciavarro qui, lui, réside à Kingston dans le Massachusetts, ça fait quelques kilomètres entre la Hollande et les USA.

Bien sur l’arrivée de la tablette n’empêche pas les artistes de « Dogstar » de travailler sur d’autres supports , aller sur leurs pages FB ou ING et vous pourrez admirer de nombreuses illustrations faites a l’acrylique aux feutres ou autres médias.

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Le style cartoon, très coloré et les grandes qualités techniques de Jamie Ris lui ont permis de participer à des conventions partout sur la planète et il y a fait de nombreuses rencontres et noué des amitiés qui lui rendent visite à Aalsmeer. « Dogstar tattoo » en plus d’avoir de très bons tatoueurs dans ses murs a la chance d’accueillir en guest des artistes de renommée internationale comme Timmy B., Kelly Doty, Teresa Sharpe, Leo Valverde , Nathan Evans etc etc.

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jamie ris, tatouage, new school, leg tattooOn peut aussi admirer chez « Dogstar tattoo » les travaux de deux artistes qui partagent les locaux avec la famille Ris. Bas a rejoint l’équipe en 2013, spécialisé dans un premier temps dans les letterings, il réalise maintenant beaucoup de pièces réalistes. Il y a aussi Robert présent depuis 2015 qui lui pratique des tatouages ornementaux, graphiques et dotworks.

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Pour conclure , on peut annoncer la prochaine sortie du premier livre de Jamie, printemps 2017, regroupant illustrations, croquis et peintures. merci à toute l’équipe de « Dogstar tattoo » pour ces deux superbes journées passées en leur compagnie.

 

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Interview : Lal Hardy

Texte  et photographies: Pascal Bagot

Le tatoueur anglais Lal Hardy a vécu les années 70-80 comme peu d’autres l’ont fait. A cette époque à Londres, il est le témoin privilégié de la nouvelle vague créative venue des Etats-Unis initiée par des artistes comme Ed Hardy, qui touche l’Angleterre et dont Lal devient un acteur clef. Il nous raconte comment cette page de l’histoire a changé la face du tatouage moderne en Europe, depuis son studio de Muswell Hills ouvert il y a presque 40 ans : « New Wave Tattoo ».

Où allait-on se faire tatouer quand on était jeune à l’époque?

Le 8 Février 1976, j’avais 16 ou 17 ans, je suis allé me faire piquer mon premier tatouage : une tête de panthère avec une dague, par Dave Cash à Woodgreen, dans le Nord de Londres. Cela m’a coûté 4 pounds -ce qui doit représenter 2 euros aujourd’hui ou quelque chose dans le genre. Parce qu’il y avait peu de tatoueurs, leurs noms étaient familiers et connus. A Londres, : Jock Tattoo Studio à Kings Cross ; Cash Cooper à Soho ; Dennis Cockell ; George Bone… Chaque ville avait un tatoueur. A Plymouth travaillait Doc Price, A Bristol Les & Danny Skuse, Phill Bond à Torquay, etc. Progressivement, au début des années 80, en partie à cause de sociétés comme Ultra, plus de gens ont eu accès au matériel à tatouer et se sont lancés. Il doit y avoir plus de 300 tatoueurs à Londres, aujourd’hui.

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Lal Hardy : tatoueur des Teddy Boys et Punks

Les années 70 et 80 étaient particulièrement excitantes avec l’émergence de nombreuses subcultures…

Les années 80 tout particulièrement étaient très intéressantes, il y avait beaucoup de créativité, dinfluences. A l’époque, parce qu’il n’y avait que deux chaînes de télévision, les gens n’avaient pas le luxe de rester chez eux et le pub était un lieu essentiel pour la communauté, central. Chaque établissement avait un espace dans lequel des groupes venaient jouer de la musique live. Le revival du mouvement Teddy Boy - il commence à l’origine dans les années 50 en Grande-Bretagne a été très excitant : il y avait des clubs partout, tous les soirs il était possible d’assister à des concerts de Teddy Boys ou de rock’n’roll. Ensuite est venu le Rockabilly, puis le Psychobilly. A la même époque il y avait les skinheads communistes, les skinheads nazis qui aimaient la musique 2 Tone, les punks, les neo-romantiques… Il se passait tellement de choses, c’était dingue.

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Et ces subcultures se faisaient aussi tatouer, lesquelles en particulier ?

Toutes, à l’exception peut-être des néo-romantiques (new wave). Les subcultures choisissaient des tatouages qui reflétaient leurs spécificités. La musique et la mode jouaient un rôle très important. Cependant, si l’on regarde attentivement les premiers punk-rockers, aux débuts des Sex Pistols et des Clash, peu d’entre eux étaient tatoués. La situation a changé quand la seconde vague est arrivée, plus probablement de 1977 à 1984, avec des groupes comme The Exploited ou Anti-Nowhere League. A l’époque du punk, beaucoup de gens faisaient des fanzines, sortaient des disques de façon indépendante, la production artistique était partout. Les images apparaissaient sous tout type de format et de medium. Le logo, par exemple, du groupe Exploited, qui représente un crâne avec une crête iroquoise, était imprimé sur les t-shirts, peint sur le dos des vestes en cuir, affiché sur les badges. Et bien sûr, tatoué.

punk, 80s, angleterre, lal hardypunk, tatouage, Angleterre, crêteQuels genres de motifs ces subcultures choisissaient-elles ?

Les Teddy Boys dorigine appréciaient les motifs traditionnels : les cœurs, les crânes, les hirondelles, les dagues… Mais ceux de la génération suivante ont introduit des images liées à leur scène musicale : des noms de labels, des microphones, des tatouages commémorant des chanteurs décédés comme Buddy Holly, Eddie Cochran, Gene Vincent. Si tu étais un punk, très souvent tu avais le logo tatoué d’un groupe, une image de fille punk. Parce que le mouvement skinhead était fragmenté à l’époque selon leurs orientations politiques, il y avait beaucoup de tatouages patriotiques comme le logo de Fred Perry, des écritures du type « Made in… » et le nom de la ville dont le porteur était originaire ; l’iconographie viking était aussi populaire, les représentations de chaussures Doc Marten’s aussi. Les métalleux quant à eux aimaient le motif d’Eddie -la créature du groupe Iron Maiden- ou le logo AC/DC. Ceci étant dit, tout n’était pas figé de façon inflexible et certains allaient d’une culture à une autre. Cela m’a toujours fait rire de voir un skinhead avec des tatouages rockabilly.

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De nombreuses photos de l’époque montrent des visages tatoués, quelle place avait ce type de tattoo parmi les subcultures ?

Il y avait tout ce truc autour du fait d’être antisocial. En Angleterre, à la fin des années 70, dans les années 80, avec Margaret Thatcher, les grèves des mineurs… de nombreux facteurs ont contribué à cet état d’esprit. Beaucoup de skinheads se faisaient tatouer le visage  parce que lorsque tu es dans un groupe, au pub avec 500 autres punks ou skinheads et que 50% d’entre eux sont tatoués, cela semble normal. Mais quand tu en sors, que tu fais face à la société et que parmi les 5000 autres personnes dans la rue tu es la seule avec le visage tatoué, cela fait de toi un marginal. Je n’ai jamais fait de tatouage facial, j’ai toujours pensé que c’était quelque chose à éviter. Maintenant dans les conventions, cela semble plus accepté, mais à l’époque cela voulait dire assez simplement : tu n’auras jamais de boulot.

tatouage punk, old school, lal hardy lal hardy tatoueur, tattoo, tatouage, punk, tatouage démographe tatouage punk, rancid, black tattoo,De quelle façon les anciens tatoueurs ont-ils réagi aux nouvelles attentes de la jeunesse ?

A l’époque, si tu venais chez Jock pour lui demander le crâne dExploited, il te répondait : « Mais bordel de quoi parles-tu ? ». Il avait ce qui était placardé sur ses murs, point final. Dennis Cockell l’aurait fait parce qu’il repoussait les limites, depuis son retour des Etats-Unis. Mais à la même époque, quelques tatoueurs comme -l’excellent- Ian de Reading et moi-même, nous travaillions nos propres designs. Quand on est jeune on veut faire des choses, être enthousiaste.

Tu étais impliqué dans la scène punk, quels genres de designs créais-tu ?

Submergés par toute cette imagerie punk comme nous l’étions, nous avons commencé à dessiner des filles punks, avec des iroquoises de couleurs, un anneau dans le nez, une chaîne etc. Un jour Jock m’a dit: « Qu’est-ce que tu en as à faire de mettre un anneau à une fille ? Pourquoi ? ». Les anciens voulaient faire des tatouages avec un minimum d’effort et de couleurs. Ed Hardy aimait beaucoup ce que je faisais et me soutenait. « Ce que tu fais c’est une nouvelle vague pour le tatouage », me disait-il. Ca m’a tellement frappé que j’en ai fait le nom de mon studio.

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Depuis le début des années 70 Ed Hardy fait bouger les lignes dans le milieu du tatouage aux Etats-Unis, comment l’as-tu rencontré ?

Grâce à Dennis. Son shop était dans un quartier huppé, avec beaucoup de bourgeois, de jeunes branchés. C’est là-bas quil a tatoué les Stray Cats, Steve Jones des Sex Pistols, entre autres. Je me faisais tatouer par Dennis et je traînais à son shop quand les photos du travail réalisé par Ed Hardy ont commencé à circuler. C’était incroyable. Un jour Dennis m’a appelé au téléphone pour me dire : « Ed va venir. Vient le rencontrer et si tu veux te faire tatouer par lui on organisera un rendez-vous ». C’était en 1980. Je lui ai demandé de me faire une punk-rockeuse, il était très enthousiaste à lidée de faire ce motif.

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Quel impact a-t-il eu sur la scène anglaise ?

Une fois qu’il était devenu évident à quel point il était visionnaire, tout le monde a voulu se faire tatouer par lui, lui parler et s’en inspirer. A l’époque il y avait le Tattoo Club of Great Britain et des petites conventions dans les hôtels, essentiellement pour les tatoueurs. D’ailleurs, Ed est venu à quelques-unes d’entre-elles. Il a ouvert des portes et les yeux de beaucoup de gens. Ils ont soudain réalisé qu’il était possible de trouver l’inspiration à peu près partout et qu’ils se contentaient jusque-là de recopier des flashs à l’identique. Techniquement aussi, je n’avais aucune de ce que pouvait être un magnum avant de le rencontrer. Selon moi, il est le point de départ de tout ces tatouages, absolument incroyables, que l’on peut voir aujourd’hui. Pour les gens de ma génération, c’est simple : c’est Dieu.

tatouage, couleur, tatouage lal hardytatouage oiseau, tatouage lal hardyEs-tu parti aux Etats-Unis ?

Oui, en 1982, je suis allé à la convention « Tattoo Expo » sur le bâteau Queen Mary à Long Beach, en Californie. Il y avait Mike Malone, Leo Zulueta, Greg Irons, the Dutchman, Jack Rudy, Mike Brown… des artistes fabuleux. Allez là-bas et voir ce qui était en train de se passer a tout changé. Au même moment en Angleterre, des gens comme Micky Sharpz, Ian de Reading, Kevin Shercliff, Tony Clifton, ces gars-là commençaient à se faire un nom et faisaient avancer la cause. En Europe il y avait Claus Fuhrmann, Bernie Luther, Luke Atkinson, Mick de Zürich, Filip LeuC’était le début du vortex !

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Qu’en était-il des conventions de tatouage?

Elles commençaient à décoller et les gens pouvaient ainsi se retrouver. Ian et moi, ainsi que quelques autres gars, nous avons commencé à organiser nos propres événements. C’est comme ça quest née Dunstable Tattoo Expo ; la première a eu lieu à Londres en 1986 avant de se poursuivre une douzaine d’années dans la ville de Dunstable. Elle est devenue l’une des plus grosses conventions en Europe, avec Amsterdam. Des gens comme Bernie Luther sont venus, Claus Furhmann, Paul Booth, Horiyoshi III… Tout un coup, toute cette énergie était en train de se dérouler.

lal hardy, photographie, tatoueurlal hardy, portrait, tatouagelal hardy, tatouage, bras, dragondessin, punk, couleur Quel regard portes-tu sur la scène aujourd’hui ?

Depuis plus de 30 ans que j’en fais partie, cela a tellement changé que je me demande à quoi pourront ressembler les 30 prochaines années. Une des questions que l’on peut aujourd’hui se poser c’est de savoir combien de jeunes sont suffisamment formés à photoshop pour l’utiliser dans la création des motifs ? Certaines personnes sont vraiment contre l’utilisation de l’ordinateur, mais en fin de compte, si le client est satisfait, cela n’a pas d’importance.

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CONTACT :

New Wave Tattoo

157 Sydney Road, London N10 2NL

England.

http://newwavetattoo.co.uk

instagram : lalhardy

www.lalhardyink.co.uk

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Les visages du passé des femmes Chin

Gardiens de troupeaux de vaches, Mrauk-U, Etat d'Arakan

Texte et photos : Tom Vater - Traduction : Laure Siegel

J'ai été tatouée il y a 60 ans. A l'époque, les femmes Chin se faisaient tatouer le visage pour éviter de se faire enlever et violer par les seigneurs birmans puis l'armée japonaise. Mais dans notre communauté, nous considérons que ces tatouages sont très beaux. Après l'indépendance, les Birmans nous ont interdit cette pratique. Si nous continuions à marquer nos visages, nous étions punies. Ils voulaient nous assimiler, qu'on devienne des vraies Birmanes” résume Ma Aung Seim, 71 ans, membre de l'ethnie Chin.

Ma Aung Seim, village de Chic Chaung, Etat d'Arakan

Malgré l'extraordinaire diversité de la Birmanie, il est devenu très rare de rencontrer des membres de minorités ethniques portant des tatouages tribaux. Après son éradication par les colonisateurs et missionnaires britanniques jusqu'à l'indépendance en 1948, puis par l'armée birmane depuis les années 1960, cette tradition est sur le point de disparaître. Parmi les dernières traces visibles de cette tradition qui a un jour représenté une identité culturelle unique, les tatouages faciaux des femmes Chin. Reportage dans les villages du nord du pays, entre tensions communautaires et passé douloureux.

La région Chin

Pour se rendre dans la région Chin, il faut passer par l'État de Rakhine, à la frontière avec le Bangladesh, dans le nord-est de la Birmanie, au-delà des principaux sites touristiques de Rangoun, Bagan, Mandalay et le lac Inle. A l'été 2012, Sittwe, la capitale du Rakhine, a explosé à plusieurs reprises lors de pogroms racistes de la majorité bouddhiste Arakan contre la minorité musulmane Rohingya. Des centaines de personnes ont été tuées, violées et torturées, des mosquées et des communes ont été anéanties et des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées. Mais ce n'était que le début d'une Birmanie qui retombait au cœur des ténèbres.

Malgré la victoire électorale du prix Nobel Aung San Suu Kyi en 2015, qui a suscité l'espoir d'une transition démocratique pacifique, de nombreuses minorités ethniques restent en guerre contre le gouvernement birman. Plus de 700 000 Rohingyas ont fui au Bangladesh à l'automne 2017, suite à une campagne de terreur et de nettoyage ethnique menée par le Tatmadaw, l'armée birmane soutenue par une grande partie de la population et la Ligue nationale pour la démocratie, le parti au pouvoir d'Aung San Suu Kyi.

Après un demi-siècle de régime militaire, un peuple nationaliste en colère a utilisé sa toute nouvelle liberté d'expression contre une minuscule minorité. À bien des égards, ce n'était pas nouveau. L'assimilation violente et impitoyable de certaines des 130 minorités birmanes était déjà pratiquée par les Britanniques et les militaires birmans depuis deux siècles.

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soldat birman, soldat myanmarMilitaires birmans, Mrauk-U, Etat d'Arakan

Aux bordures du pays, de nombreux conflits entre l'armée birmane, composée en grande partie de membres de l'ethnie majoritaire Bamar, et des factions ethniques n'en finissent pas depuis six décennies. Au-delà du racisme assumé du groupe dominant envers les autres minorités, la guerre civile la plus longue au monde a diverses raisons : lutte pour l'autonomie, accès aux ressources naturelles, exploitation des territoires.

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Femme Chin, Chic Chaung Village, Etat d'Arakan

Et le tatouage dans tout ça ? Au coeur du casse-tête birman, réside l'identité ethnique, qui a façonné l'histoire du tatouage en Birmanie.

En 221-206 av. J-C, la dynastie chinoise Qin laisse des écrits mentionnant la présence de tatouages au sein des minorités Lue et Yue de la région du Mékong. Les tatoués étaient piqués pour chasser les mauvais esprits et ornaient leurs jambes de démons et de serpents. Peut-être le Naga d'origine sanskrite, un symbole reptilien vénéré par les hindous, mais également les jains, sikhs et bouddhistes.

Plus tard, au sixième siècle, des prêtres brahmins, face à la poussée du bouddhisme dans le sous-continent indien, envoient des émissaires de l'hindouisme en Asie du sud-est pour prêcher dans de nouveaux territoires. Ils apportent des yant avec eux, ces diagrammes magiques utilisés pour la méditation, dessinés ou sculptés dans du bois, métal, tissu. Chemin faisant, les yant ont commencé à être transférés sur la peau des gens et la pratique n'a plus jamais disparu. Dans la Thaïlande voisine, la tradition du sak yant, le tatouage sacré, a connu une forte résurgence ces dernières années.

femmes chin, chin faces, women faces, tattooed women, tatouage, femmes chin, visages tatouésFemme Chin, Chic Chaung Village, Etat d'Arakan

La communauté Shan

En Birmanie, la minorité Shan apparaît comme la première communauté à s'intéresser au tatouage, grâce à ces deux influences venues du sud de la Chine puis du sous-continent indien. Comme les Lue et les Yue, les Shan se tatouaient principalement en-dessous de la taille. Le tatoueur était aussi le chaman local, qui appliquait des motifs sacrés en utilisant une longue aiguille en bois et des encres naturelles. Souvent, les adeptes divaguaient dans les vapeurs d'opium dans l'espoir de réduire la douleur du rituel, qui se déroulait en plusieurs sessions sur une longue période.

Le bouddhisme est présent en Birmanie depuis le 3e siècle et l'école theravada en est la religion dominante depuis le 11e siècle, remplaçant peu à peu les croyances animistes. Selon les préceptes du bouddhisme, le corps humain est divisé en douze parties. Chaque tatouage sacré est appliqué sur une partie bien spécifique du corps. Dieux hindous, figures bouddhistes, mantras et diagrammes se placent sur le dos, les bras et la tête. Créatures mythologiques et animaux de l'Himavanta, la forêt au pied du mont Meru dans la mythologie indienne ornent les épaules, la gorge et les oreilles. Paons et geckos tatoués autour de la taille favorisent la puissance sexuelle, tandis que les tatouages aux chevilles protègent des morsures de serpents.

femmes chin, tatouage visage, visages tatoués, femmes tatouées, myanmar, birmanieMa Aung Seim, village de Chic Chaung, Etat d'Arakan

Entre le 14e et le 17e siècle, les Shan font découvrir la pratique du tatouage aux Bamar, qui peuplent le centre du pays. Depuis, d'autres traditions ont émergé dans les 130 groupes ethniques du pays, 50 d'entre eux étant Chin. Mais au 19e siècle, les colons et missionnaires britanniques, dans leur volonté de créer une identité coloniale nationale, font la guerre au tatouage. Pour la petite histoire, Georges Orwell, l'auteur de la trilogie dystopique “Une histoire birmane”, “La ferme des animaux” et “1984”, s'est fait tatouer les mains lors de ses années de service dans l'armée de l'Empire des Indes. Une façon de signifier sa défiance envers une société coloniale qu'il haïssait à cause de l'exploitation des populations et territoires locaux. La deuxième attaque à charge a lieu après l'indépendance du pays en 1948. L'ethnie dominante Bamar veut imposer sa version de l'unité nationale aux autres ethnies et pour les détourner du tatouage tribal, le gouvernement central rend cette pratique illégale.

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Qu'en reste t-il aujourd'hui ?

Après un voyage de huit heures en bateau sur la rivière Kaladan, Mrauk-U se découvre. Un lieu merveilleux, presque trop beau pour être décrit. Les ruines de l'ancienne capitale de l'Arakan, qui dominait la région entre le 15e et le 18e siècle, apparaissent entre les maisons du village et les rizières. Mais l'endroit n'est pas aussi calme qu'il en a l'air. Dans les collines autour de Mrauk-U, les militaires birmans patrouillent. Autour des chedis couverts de mousse qui pointent dans la végétation dense, des hommes lourdement armés se tapissent dans l'herbe, à la recherche de “terroristes”. Un concept flou qui désigne la minorité la plus impopulaire du moment, les musulmans, et plus particulièrement les Rohingyas.

Les militaires sont appréciés ici, malgré la discrimination envers les locaux depuis des décennies. La fameuse stratégie de “diviser pour mieux régner” fonctionne dans la nouvelle Birmanie libre, où une population appauvrie et frustrée est encline à désigner des boucs émissaires. “Ils sont là pour protéger la ville en cas d'attaque des musulmans” explique avec conviction Michael, un guide local.

Enfant dans une maison du village de Chic Chaung, Etat d'Arakan

Pour atteindre l'Etat Chin et échapper à cette lourde atmosphère de tensions communautaires, il faut continuer à naviguer vers le nord. Aujourd'hui encore, certains Chin, d'origine tibéto-birmane, sont animistes. Mais la pression des colons anglais et du gouvernement bouddhiste birman a causé l'exil d'un grand nombre d”entre eux vers le Bangladesh et l'Inde. Le long de la rivière Lemro, des villages dilapidés s'alignent sur les bancs de la rivière érodés, où des gamins nus nous regardent passer avec horreur et fascination pendant que des femmes lavent leurs corps et leurs haillons dans l'eau boueuse.

Toilette de femmes le long de la rivière Lemro, Etat d'Arakan

Construction de bateaux le long de la rivière Lemro, Etat d'Arakan

Quelque part à l'embranchement de la rivière, débarquement à Chic Chaung. Ce n'est pas un endroit joyeux. Les locaux ont été priés de se convertir au bouddhisme à marche forcée mais n'ont pas été gratifiés d'infrastructures médicales, d'eau courante ou d'électricité. Allongée dans une hutte, une jeune femme souffre d'une infection ovarienne et n'a pas assez d'argent pour aller vers le sud et consulter un docteur. Une voyageuse américaine présente au même moment dans le village se trouve être médecin. Elle opère la femme sur place, avec un équipement minimum et sans anti-douleur. J'ai clairement atteint une sorte de frontière.

En s'aventurant dans les allées, les femmes âgées apparaissent sur les perrons de leurs huttes. Une grande partie d'entre elles ont le visage entièrement tatoué, curiosité locale qui attire quelques touristes par an dans ce village aux frontières du monde connu. Ma Aung Seim est la première à s'exprimer : “Aujourd'hui j'ai honte de ces tatouages. Le gouvernement nous dit que c'est laid et archaïque. J'ai été tatouée à dix ans. Tout ce dont je me souviens est la douleur”. Les motifs géométriques estompés se fondent pratiquement dans les traits profonds de son visage.

Michael, le guide local, affirme que ces tatouages n'ont aucune signification religieuse, esthétique ou culturelle : “Ces femmes ont été tatouées pour détruire leur charme et éviter qu'elles ne soient kidnappés par les rois d'Arakan ou les Japonais. Pendant la Deuxième guerre mondiale, les Japonais voulaient utiliser les Birmanes comme “femmes de confort” mais ces tatouages les ont rebutés”. L'origine de cette tradition est inlassablement répétée par tous les guides touristiques de la région : Un jour, un roi birman a pris pour femme une très belle dame Chin et l'a emmené dans son palace. Mais la mariée était malheureuse et s'est échappée. Pour flouer les hommes lancés à sa poursuite, elle a gravé des lignes au couteau dans son visage, devenant ainsi méconnaissable et repoussante aux yeux des puissants.

Mais cette légende cache d'autres vérités ancestrales, qui ont simplement été oubliées et les guides birmans comme Michael, se sentant supérieurs aux minorités ethniques, n'hésitent pas à imposer leur propre version de l'histoire des femmes Chin. Ces mêmes femmes grâce à qui il tire un revenu substantiel pendant la saison touristique. “Ces femmes ne sont pas éduquées. C'est pourquoi elles ne savent rien” insiste t-il. Mais il reste des archives, qui ont permis d'identifier plusieurs motifs distincts. Pa Mae recouvre entièrement le visage, oreilles et paupières incluses. Pa Pyouk parsème le visage de points noirs. Pa Khyaung consiste en huit lignes sur chaque joue. Pa Kyar est identifiable par quatre lignes et quatre points sur les joues tandis que Pa Wine mélange cercles et lignes.

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Aujourd'hui, les femmes du village ne se souviennent pas de la signification précise des incroyables marques sur leurs visages. Ma Aung Seim explique : “Nos tatoueurs sont morts depuis longtemps. Nos enfants et petits-enfants pensent que cette pratique est stupide. Ils veulent être modernes. Quand nous mourrons, la tradition mourra avec nous”. Malgré la confusion autour de cet héritage, elle et ses amies restent fières de leurs tatouages. “Quand nous étions jeunes, les filles avec des tatouages étaient considérées comme très attirantes par les hommes du village”. Cette contradiction entre la fierté et la honte n'est qu'un des résultats du matraquage chauviniste des Birmans contre les minorités ethniques et de la répression du gouvernement. Une loi toujours en vigueur punit les familles Chin si elles tatouent leurs filles en faisant saisir leur bétail par lEtat.

encre, femmes chin, tatouage visage, visages tatoués,tatouages, femmes chin ,visage tatouéfemmes tatouées, myanmar, femmes birmanes, tatouage, visages tatouésChaque village du coin est un simple amas de huttes en bambou et en rotin sur pilotis, les dessous des habitations étant squattés par des poulets, des cochons et des enfants sous-alimentés à l'air malade. L'école est une baraque délabrée avec des trous dans le sol assez grands pour avaler un enfant. Le professeur est un adolescent qui a loupé son diplôme deux fois. Il aboie sur les enfants, tous Chin, en birman, et ils lui hurlent dessus en retour. Dans quelques années, il ne restera plus grand-chose de leur culture. Interrogée sur les changements que l'ère moderne apporte, Ma Aung Seim lâche simplement : “Plus haut sur la rivière, des milliers de travailleurs chinois sont en train de construire un barrage”. Un projet qui met en danger ressources, population et territoires de la région et dont personne ici n'a la force ni les moyens de s'y opposer.

Je quitte le village avec l'amer sentiment qu'il est trop tard, que le moment pour ces Chin est passé. Ils ont été assimilés sans opportunité et leurs tatouages parlent d'une histoire presque oubliée et certainement étouffée. De retour à Rangoun, la capitale économique du pays, je rencontre Jerry Ink dans son studio. Le jeune homme est mi-Chin, mi-Shan et a prévu de voyager dans l'Etat Chin pour faire des recherchers sur les tatouages de ses ancêtres. “Le tatouage est très populaire parmi les jeunes Birmans. J'espère trouver des traces de cette tradition dans ma région natale. Je veux réintroduire les Birmans à leur passé”. Il va devoir se dépêcher.

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Sri Lanka, larme de l'Inde

Texte : Laure Siegel / Photos : Tom Vater

De vieux textes cinghalais mentionnent que certains rois du Sri Lanka, la grande île de l'océan Indien, étaient tatoués. Mais la religion, la guerre et la modernisation ont porté un coup d'arrêt à cet art. Aujourd'hui la scène tattoo est un grand mot : quelques tatoueurs de rue indiens et une dizaine de shops dans tout le pays, dont ceux de Ravi, Dimmu et Roanna, une poignée d'artistes bien déterminés à s'émanciper.

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En 2014, une infirmière britannique a été incarcérée et déportée du Sri Lanka pour "atteinte aux sentiments religieux d'autrui". Elle portait un tatouage de Bouddha sur le bras, un motif que la plupart des pays de l'Asie du sud et du sud-est n'acceptent pas de voir gravé sur la peau. Wan Nishshanka, alias Ravi, 33 ans, dirige la seule boutique de tatouage à Kandy, cité sacrée au centre de l'île émeraude qui héberge le fabuleux Temple de la Dent. "Quand je tatoue des motifs religieux ou officiels, comme le lion ou le drapeau, nos symboles nationaux, je ne poste pas les photos sur les réseaux sociaux. Je n'ai pas envie de rentrer dans des débats stériles avec des nationalistes conservateurs qui croient détenir la vérité sur le bouddhisme. Je suis un bouddhiste pratiquant et quiconque aime le Bouddha devrait pouvoir se faire tatouer ce en quoi il croit. Le Bouddha n'a jamais dit que c'était interdit, c'est juste considéré comme un truc de gangster. La dernière fois que j'ai atterri à l'aéroport de Colombo, ils m'ont gardé une heure à l’immigration..."

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Ravi, de dresseur canin à tatoueur au Sri Lanka

En 2004, Ravi doit abandonner une première carrière où il s'occupe du design d'autocollants, lorsque la mafia locale détruit son magasin et le passe à tabac. Le jeune homme enchaîne les petits boulots pour nourrir son frère, dont il a la charge depuis que sa mère est allée travailler en tant que domestique en Arabie Saoudite. "J'étais dresseur de chiens, je jouais dans des groupes de blues. On vivait dans une petite maison, une pièce avec nos deux matelas et une petite cuisine".

 

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Une machine à tatouer, fabriquée "maison"

Puis Ravi se fabrique une machine avec un petit moteur et commence à piquer ses copains à domicile pour vingt roupies (0,12 euro) avec des encres textiles. "J'ai toujours aimé les tattoos et les piercings, sans en avoir jamais vu. A l'école, je dessinais tout le temps sur les tables. A dix ans je me suis percé les oreilles avec une épine de tilleul. Normalement ce sont les filles qui se font percer mais ma mère n'a rien dit alors j'ai gardé mes oreilles percées."

Au Sri Lanka, et plus particulièrement dans les communautés qui vivent autour des plantations de thé, les nouveaux-nés sont au centre de trois cérémonies : l'attribution du prénom (Peyer Vaithal), le rasage de la tête (Modai Adithal) et le perçage des oreilles pour les petites filles à trois mois (Kaathu Kuthu/Thoodu kuthuthal).

En 2008, un touriste anglais utilise son compte eBay pour aider Ravi à acheter un Six Tattoo Guns, un kit de tatouage chinois. "J'y ai investi 35 000 roupies (210 euros), soit toutes mes économies mais je me suis retrouvé avec la seule machine de Kandy. Ma popularité a bondi d'un jour à l'autre et j'ai voyagé partout sur l'île pour tatouer." Il ouvre rapidement son propre studio avec son frère, Sudesh. "Je ne savais rien sur le milieu alors j'ai acheté le livre "Tattooing A to Z" de Huck Spaulding, la Bible du tatouage."

Ravi fouille Internet et trouve ses inspirations dans les travaux de Dan Smith, Bob Tyrrell ou encore Dmitriy Samohin, mais tente d'y intégrer un style traditionnel sri lankais. Une de ses dernières pièces représente Gajasingha, une créature hybride de la mythologie du sud-est-asiatique, au corps de lion et à tête d'éléphant.

Sa clientèle se compose à moitié de touristes en quête d'un souvenir de voyage - un lion, un éléphant, une fleur de lotus. "J'aime tatouer mes clients étrangers avec du American Old School ou des dessins basés sur nos fameuses sculptures en bois."

"Mes clients locaux veulent surtout des portraits de membres de leur famille ou des tattoos de Polynésie ou de Samoa, un style rendu populaire par les joueurs de rugby et de cricket. Le tribal tient bien sur nos peaux sombres."

Depuis deux ans, la moitié de sa clientèle est féminine : "Le mode de vie des femmes change, elles bénéficient de plus d'ouverture au monde grâce aux écoles internationales et aux bourses pour aller étudier à l'étranger et elles ont toutes Facebook. »

Dimmu Fernando

Tout en parlant, Ravi couvre le torse de Dimmu d'une immense représentation du dieu hindou Vishnou, protecteur de l'univers. Dimmu Fernando gère un shop dans la banlieue de Colombo depuis 2011. "En 2008, je suis rentré dans le shop de Suren Fernando, un homme qui a fabriqué son propre gun au début des années 2000 et s'est lancé avec ses maigres ressources. Cela faisait des années que je gribouillais et créais des dessins animés. Il m'a embauché sur le champ pour dessiner les motifs et j'ai repris son shop quand il a émigré en Angleterre. J'ai assisté aux cours de l'académie d'art de Colombo pendant quelques mois et j'ai appris à dessiner des crânes avec méthode, mais c'est tout. »

 

Avant, Dimmu était guide touristique dans un hôtel et s'endormait tous les matins au comptoir car il passait ses soirées à jouer du black metal. "Pour moi c'est idéal car je peux enfin concilier mes passions, le tattoo et la musique."

Pendant dix ans, Dimmu a été bassiste dans le groupe "Funeral in Heaven", dont les chansons parlent de l'histoire, de la culture et de la guerre civile qui a déchiré le Sri Lanka jusqu'en 2009, après plus de 25 ans d'un sanglant conflit entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls.

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"Au début, je voulais être riche et célèbre grâce au tattoo. Maintenant, c'est juste un moyen de financer mes voyages et d'aider ma communauté. Je ne comprends pas les types qui ne veulent pas partager leur savoir, ou seulement à leurs proches, le tattoo n'appartient à personne, c'est un art populaire qui ne doit pas rester entre les mains d'une petite clique. Si quelqu'un veut apprendre dans ce pays, moi je lui apprends. C'est une façon de donner du pouvoir aux jeunes, de leur offrir un moyen de mener la vie qu'ils veulent, d'être financièrement indépendant et de se sentir valorisé." Etre un tatoueur professionnel au Sri Lanka reste un défi : " La moitié de l'argent que je gagne au shop part dans l'achat de matériel. Sur Internet, les frais de port sont aussi chers que le coût du matériel alors j'essaie d'aller me fournir à Bangkok".

 

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Le jeune homme, surfeur enthousiaste, est aussi un yogi accompli. En 2010, il renie son éducation dans une pension catholique, se convertit à l'hindouisme et devient végétarien. "Je suis passionné par l'Inde. J'y retrouve la vie simple, avec les animaux, je joue avec les vaches comme pendant mon enfance. Historiquement et culturellement nous formons un seul pays avec l'Inde et c'est une grande inspiration pour moi."

Quand Dimmu part en Inde perfectionner sa pratique du yoga, avec comme projet ultime de l'enseigner dans les prisons sri lankaises pour faire baisser la violence carcérale, c'est Roanna qui tient la boutique.

Roanna Webster, 24 ans, a été l'apprentie de Dimmu pendant trois ans avant de s'installer en Californie où elle a travaillé chez Touch of Ink à Bakersfield. "Le marché aux États-Unis est saturé. Je n'ai pas l'impression que je puisse apporter grand-chose à ce pays. Je suis revenue au Sri Lanka pour être proche de ma famille et pouvoir contribuer à la contre-culture locale." Musicienne professionnelle, elle joue aussi du violon et du violoncelle dans un orchestre.

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A 18 ans, Roanna est entrée dans une école d'aviation car elle rêvait d'être pilote de ligne et de voyager éternellement. Mais elle a arrêté au bout d'un an et demi. "Je ne peux pas passer mon temps à étudier et transiter d'aéroport en aéroport, je veux vivre." Alors Roanna est rentrée chez elle, a ouvert une pizzeria et a fini son apprentissage. L'Inde, et notamment la convention de New Delhi, lui a également laissé une forte impression : "Mon corps est une collection de pièces par mes amis artistes, comme Vikas Malani (Body Canvas, Delhi) qui a couvert mon dos. Les gens me fixent mais sont trop polis pour dire quoi que ce soit. En tant que seule artiste féminine dans le pays, je pense vraiment que je peux faire une différence. La guerre est finie, les touristes reviennent, l'avenir est prometteur."

INFORMATIONS :

Ravi
Dimmu Fernando
Roanna Webster 

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Indian Ink : Chapitre 5 - Bombay Boys Sameer & Eric

Texte : Laure Siegel / Photos : Tom Vater

Autour d'une soupe à la cervelle de chèvre, nous avons retrouvé les tatoueurs Sameer Patange et Eric Jason D'Souza à Bhendi Bazar, le quartier musulman de Bombay en pleine effervescence pour le premier soir du Ramadan. Artistes accomplis et renommés, ils esquissent les contours du futur du tattoo en Inde, au-delà des clichés.

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Le futur du tatouage en Inde

Tous les ans au mois de septembre, le quartier huppé de Bandra se transforme en une immense foire, pour une semaine de festivités en l'honneur de la Vierge Marie. Eric s'y est fait encrer pour la première fois à douze ans, une croix sur la main. "Mes parents sont des catholiques romains originaires du Karnataka. Je ne suis pas pratiquant mais je me considère encore de culture chrétienne. En Inde, la plupart des gens commencent par un tattoo religieux, Lord Shiva pour les hindous, Jésus pour les chrétiens."

A quatorze ans, Sameer est plus branché black metal et s'offre le même motif que Phil Anselmo, le chanteur de Pantera, sur le bras. "Quand je suis rentré à la maison, mes parents m'ont foutu dehors. J'ai erré dans la rue pendant trois jours puis je suis tombé sur mon père qui me cherchait. Il m'a dit de rentrer et de ne pas prendre au pied de la lettre tout ce qu'il me disait..."

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Sameer, 36 ans, rappelle le contexte : "Il y a une grande fracture entre l'Inde ethnique et l'Inde urbaine. Dans les villes, jusqu'à la fin des années 80, ce ne sont que les gangsters, les junkies et les gens de la rue qui se tatouaient. Personne ne voulait être assimilé à ça." Mais dès qu'ils ont pu gérer la pression sociale et financière d'un tel choix, lui et Eric se sont engouffrés dans le tattoo, y voyant une opportunité bénie de pouvoir vivre de leur passion. "J'étais joueur de soccer professionnel et travaillais dans un centre d'appels mais j'ai quitté cet horrible boulot et me suis mis sérieusement à l'art. Il y a dix ans, aucune famille n'aurait laissé son enfant se diriger tranquillement dans cette voie car ce n'était pas une vraie carrière. Aujourd'hui il y a même des possibilités d'étudier le design graphique." explique Eric, 28 ans.

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Sameer Patange et Eric Jason D'Souza à Bhendi Bazar : tatoueurs

Sameer a été formé à l'ancienne, par le pionnier du tatouage indien. "J'ai 16 ans, mes copains sont fans de Axl Rose et BonJovi, le glam rock style était un vrai phénomène dans l'Inde des années 80. Ils veulent les même tattoos que leurs héros et me demandent de dessiner les motifs pour eux. "

Ils décident d'aller voir le Dr J.A. Kohiyar, un psychiatre et collectionneur qui a appris à piquer à Londres en marge de ses études. "Quand il est revenu à Bombay en 1973, il a commencé à tatouer des flashs old school à domicile. Il est considéré comme le premier tatoueur "moderne" en Inde. Le Docteur a été impressionné par mes dessins alors il m'a embauché comme assistant. Il a aussi formé Anil Gupta, qui plus tard est devenu une super star à New York. « 

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"Kohiyar est une légende dans l'histoire de l'Inde. Je refuse de recouvrir ses tattoos quand des gens viennent me voir pour des covers, ça serait irrespectueux" glisse Eric.

Sameer nourrit sa culture artistique, admire les collages de Dave Mc Kean et les sketches de super-héros de Jim Lee, tout en passant ces week-ends chez le docteur, qui le laisse tatouer au bout de deux ans. "J'ai tout appris avec mon maître. Je suis ouvert à tous les styles mais j'adore le réalisme, les défis techniques et l'émotion portée par le fait de tatouer un portrait. Et j'aime toujours autant le fait que le soir quand les gens rentrent chez eux avec leur nouveau tatouage, ils parlent de vous et soient heureux. »

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Sentant qu'il est prêt, le docteur le laisse partir et trouver sa voie. "J'ai eu beaucoup d'exposition médiatique après avoir été intronisé plus jeune tatoueur moderne en Inde, à 20 ans, mais j'ai véritablement intégré le monde du tattoo en 2004. C'était encore tellement radical à l'époque de se faire tatouer." En 2008, Sameer ouvre son propre studio, Kraayonz Tattoo Studio. Depuis, il a ouvert trois nouveaux shops, à Bangalore, Pune, Goa, l'autre ville-phare du tattoo en Inde, temple de la trance et paradis des hippies. Il emploie 15 à 20 personnes, gère l'apprentissage de plusieurs tatoueurs, et assure environ trois sessions tattoo par mois. Tout en étant un des tatoueurs préférés des stars de Bollywood…

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Le premier shop de Sameer se trouvait en face de la cour de justice. Un jour, Salman Khan, un des acteurs les plus connus et controversés du pays, sortait de son procès pour avoir percuté et tué des gens sans-abris dans la rue avec sa voiture. "Pour se calmer, il est rentré dans ma boutique et a demandé un tatouage" se souvient Sameer. Depuis, des dizaines de stars ont débarqué chez lui. Sameer ne se déplace pas, refusant les traitements de faveurs et tatoue uniquement dans son shop, sauf quand il est appelé sur des tournages de films pour dessiner des tatouages temporaires. "J'emmène toujours toute mon équipe. J'aime bien que mes gars voient la même chose que moi et découvrent différents univers ».

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Les débuts à Bombay

Sameer se souvient des débuts d'Eric, qui venait juste de finir son premier apprentissage avec Vikas Malani (Body Canvas) : "Eric était mon étudiant le plus sincère, appliqué... et super populaire auprès des filles. Un bon atout pour le shop !". Eric reste cinq ans chez Kraayonz Tattoo : "A l'époque nous n'étions pas exposés aux conventions de tattoo alors notre principale source d'inspiration était Internet. Sameer regardait les portfolios d'artistes du monde entier puis nous apprenait les lignes, style par style. J'ai commencé par le black and grey shading, puis le traditionnel et enfin le réalisme, ma spécialité aujourd'hui."

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Dans le shop de Sameer à Pune, Eric rencontre Aishin Diana Chang, qui gérait depuis 2008 une autre boutique dans cette ville étudiante. Le jeune couple revient à Bombay en 2013 et ouvre ensemble Iron Buzz Tattoos. Diana, 33 ans, petite-fille d'immigrants venus de Hong Kong, croit dur comme fer dans les promesses de la ville des rêves, le surnom de Bombay : "Si on travaille dur, on y arrive." assure t-elle. Alors le jeune couple travaille six à sept jours par semaine pour faire tourner leur entreprise et payer les 2500 dollars de loyer du petit bâtiment qui leur sert de shop et d'appartement. Bombay, Maximum City, est aussi la capitale financière et donc la ville la plus chère du pays où la simple question du logement étrangle les jeunes ambitieux. Mais Eric et Diana tiennent bon et en juin 2016, ont annoncé l'ouverture de leur deuxième shop à Pune.

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Aujourd'hui artistes accomplis, les Bombay Boys veulent professionnaliser et faire grandir la scène qui leur a tant donné. Le déclic ? La convention de Katmandou en 2015, où une trentaine de tatoueurs indiens avaient fait le déplacement : "Ce qui s'est passé au Népal, ce tout petit pays pauvre et dysfonctionnel qui organise une convention géniale depuis six ans, a été une grande inspiration pour nous et nous a poussé à nous bouger pour organiser un événement de qualité" explique Sameer.

L'Inde a bien eu une convention dès 2011, organisée par un fournisseur, mais le show burlesque avec des filles dénudées n'est pas bien passé. "Trop tôt pour l'Inde !" s'exclame Eric. "New Delhi est une ville politique et orthodoxe, c'était trop osé. Des groupes manifestaient devant la convention avec des panneaux 'Stop this dirty dancing !', c'était chaotique".

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Pour Sameer, le cheminement a véritablement commencé à la convention de Singapour en 2010. Il regarde Bob Tyrell travailler, un moment-clé dans sa vie, puis sympathise avec Paul Booth. En décembre 2015, le pape du black and grey accepte l'invitation à la convention de Delhi, co-organisée par les shops Kraayonz et Devil'z Tattooz (Delhi). "Il voulait profiter de l'Inde et voir le Taj Mahal. Il a adoré, il nous a même offert un tatouage sur l'avant-bras en remerciement."

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La convention est un grand succès : "Cette ville est bien plus conservatrice que Bombay mais paradoxalement elle est aussi menée par le bout du nez par l'industrie de la mode. Si un mec a payé 10 000 roupies son tattoo, son voisin va vouloir le même mais le payer 20 000 roupies, juste pour se la péter. C'est une ville dans laquelle les gens font des trucs pour être vus. C'est peut-être pour les mauvaises raisons mais pas un seul artiste n'est resté les bras ballants pendant le week-end."

Sameer se souvient de jours moins glorieux : "Je restais debout jusqu'à 3-4 h du matin pour appeler des Européens ou des Américains et les inviter à notre convention, la plupart d'entre eux me riaient au nez en entendant le mot "Inde". Nous avons encore une sale réputation et ça me rend parfois amer qu'on soit considérés comme de crades amateurs. Certes l'Inde est pauvre mais a une telle profusion artistique à faire valoir, nous sommes une civilisation incroyable. Mon ambition est que l'Occident regarde l'Inde de façon respectable. "

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Le prochain défi est aussi de remettre au goût du jour le tatouage ethnique indien, source d'inspiration évidente mais trop peu valorisée. "Peut-être que si Angelina Jolie était venue se faire tatouer au Rajasthan et pas en Thaïlande, ça serait le tatouage ethnique indien qui aurait connu un boom et non le sak yant. Un proverbe à Bombay dit "Ce que tu vois est ce tu vends" : Les gens veulent du glamour alors on leur vend du glamour. Le tattoo tribal indien deviendra tendance quand des stars ouvriront la voie."

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"Bollywood, le cricket et la religion, voilà les trois passions de l'Inde..." résume Sameer, ne blaguant qu'à moitié. "Un jour j'ai tatoué le portrait de Hrithik Roshan, un acteur, sur un mec qui était complètement fan de lui. A un moment, il a compris que j'avais également tatoué Hrithik Roshan, il s'est prosterné devant moi et s'est accroché à mes jambes en gémissant "Oh mon Dieu, tu l'as touché, c'est incroyable !".

Dans les villes, le tattoo est définitivement entré dans la pop culture, ce qui assure du boulot aux 15 000 tatoueurs professionnels que compte la scène contemporaine indienne, selon les estimations du blog Tattoo Cultur en 2016.

Sameer Patange

L'équipe de Eric Jason D'Souza

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Indian Ink : Chapitre 4 - Cultures Kondh

Texte : Laure Siegel / Photographies : Tom Vater

Dans l'ancien royaume indien de Kalinga, l'histoire est inscrite sur le corps des femmes : motifs religieux, charmes d'amour, symboles tribaux apaisent les dieux et forgent l'identité. Périple au coeur de l'extraordinaire diversité ethnique qu'offre la région rurale de l'Orissa, à la rencontre des communautés Kondh qui tentent de préserver leurs terres et leurs coutumes dans une Inde happée par le développement à marche forcée.

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En Asie du sud, les tribus et certaines castes hindoues cultivent leur propre tradition de tatouage depuis des siècles - des Kalash au Pakistan aux Newari au Népal en passant par les Nagas en Inde. La pratique du gudna ('brûler l'aiguille' en hindi) permet de créer des bijoux éternels qui résistent à toutes les infortunes de la vie et a particulièrement été appropriée par les populations indigènes. Les Adivasis, littéralement les "habitants originels", représentent un quart de la population de l'Orissa, un pays de collines à l'est de l'Inde bordé par la baie du Bengale. L'Orissa est une région gorgée de ressources - minéraux, forêts, terres fertiles - mais en proie à des fléaux naturels - cyclones, inondations, sécheresses - et de sérieux problèmes économiques - pauvreté, manque d'éducation et d'infrastructures.

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Rituel Spirituel

Noyen, 35 ans, vit de la pêche et de menus travaux sur les bords du lac Chilika. Elle s'est faite tatouer une petite swastika sur la main à huit ans. C'est le motif qui orne également les pots contenant l'eau sacrée pendant le Pūjā, qui désigne tout rituel spirituel conduit pour honorer les dieux, du bain sacré à la rivière le matin à la naissance d'un enfant ou le lancement d'un business. "Ces marques devaient protéger les enfants des fantômes et des mauvais esprits. D'abord on gratte la peau avec une feuille irritante jusqu'à que la chair soit à vif. Puis le tatouage est incrusté avec un clou. Pendant quelques jours, la peau est boursouflée et l'infection permet de propager les lignes sous la peau. Quand certaines filles ont trop mal et s'agitent, leurs jambes et bras étaient attachés au lit", se souvient Noyen.

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Dans cette région du sud de l'Orissa, la plupart des personnes largement tatouées sont des femmes et ont été tatouées par des femmes, même si les hommes se gravent parfois des signes religieux ou leur prénom sur le bras. La connaissance de l'art du tatouage se transmettait de mère en fille et ces femmes, sédentaires ou nomades, étaient rémunérées en poignées de riz, de chili, du curcuma ou plus tard, en petite monnaie.

 

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Jour de marché pour Nibajina Pradhan, 50 ans, qui est descendue des collines pour vendre ses produits agricoles. Quand elle a eu dix ans, ses parents l'ont emmenée chez la tatoueuse. "J'étais effrayée mais je n'avais pas le choix, c'était la règle au village. Aucune belle-mère n'aurait voulu de moi si je n'avais pas eu le visage tatoué." En effet si la coutume n'était pas respectée, les beaux-parents se voyaient le droit de traiter les parents de la fille de pauvres et de se plaindre qu'elle ait été amenée à eux comme un homme. Ce tatouage facial géométrique est aussi vu comme un moyen d'effrayer les tigres mangeurs d'hommes, qui rôdaient encore il n'y a pas si longtemps dans les campagnes indiennes. Et parmi les castes inférieures, se faire tatouer était considéré comme une nécessité pour échapper au châtiment du pays des ténèbres, car les démons de Yama, dieu de la mort, ne dévorent que ceux qui ne sont pas marqués.

 

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Dans son village, les femmes se font tatouer entre sept et douze ans, le visage en priorité puis parfois les bras et les jambes. Trois à quatre filles sont tatouées par jour pendant des sessions d'une heure, principalement en hiver, le climat étant plus propice à la cicatrisation que pendant la mousson. "J'ai été tatouée avec six aiguilles attachées ensemble, trempées dans une mixture de suie et de sève de bananier." explique Nibajina Pradhan. D'autres mixtures contiennent du jus de bétel ou encore du lait maternel.

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vaches, inde, tatouage, tradition du tatouage, Cultures Kondh, rivière, travail, face, face tattoo, femme, tattoo, indian ink, encre, lignes, femme indienne, tatouageLes Desia Kondh

Le voyage se poursuit vers le village de Siliki, entièrement peuplé de Desia Kondh, une des trois grandes sous-catégories qui forment le groupe ethnique des Kondh. Dix-huit familles habitent à Siliki, et elles ont toutes accueilli la Vierge Marie dans leurs prières. En Orissa, c'est le protestantisme qui a su parler aux âmes en peine. Aujourd'hui c'est dimanche et c'est l'heure de la messe. Chacun a apporté son cahier d'écolier recouvert de papier journal pour en protéger la couverture, qui contient les principales prières écrites en Kuvi, la langue des Kondh.

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Marnali Maji, plus de 60 ans selon ses dires, a quatre filles, toutes tatouées, et deux fils. Elle se remémore l'enfance : "Petites, entre copines, on se perçait les oreilles et on se tatouait des petits points sur les bras pour s'habituer à la douleur et passer le temps". Les Kondh estiment que la brutale expérience du tatouage facial prépare les filles à la maternité tout en leur donnant la force et le courage d'affronter les défis de la vie.

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"Nous aimerions beaucoup continuer cette tradition et portons beaucoup d'intérêt à notre histoire du tatouage mais des officiels patrouillent dans le village en nous disant ce qu'il faut faire et pas faire..." soupire Marnali Maji. Cette pression condescendante des autorités, politiques et religieuses, couplé à la disparition des dernières tatoueuses de village explique pourquoi il est devenu rare de croiser des jeunes femmes tatouées dans le visage de moins de 30 ans. Le gouvernement a proclamé l'interdiction de ces tatouages ancestraux dans les années 70 mais c'est davantage la volonté désespérée de se fondre dans la masse de la grande nation indienne que le respect de la loi qui a mis un terme à cette pratique.

 

vaches, inde, tatouage, tradition du tatouage, femmes Kondh, femme, tattoo, indian ink, encre, lignes, femme indienne, portrait, tatouage, groupe de femmesLes tensions politiques entre les Indiens hindous et les minorités animistes ou chrétiennes sont fortes, aggravées par une insurrection marxiste qui n'en finit pas de déstabiliser la région. En juillet de l'an dernier, six personnes de l'ethnie Kondh ont été tuées par les forces de police. Ces femmes et enfants rentraient du marché où ils étaient allés vendre leurs produits et sur le chemin du retour, leur tuk-tuk a été mitraillé par les militaires, qui ont assurés les avoir confondus avec des combattants marxistes.

Les tribus indigènes sont vues comme complices des Naxalites, une guerilla régionale engagée dans une lutte pour l'autonomie, car ces combattants trouvent parfois refuge dans les villages reculés des minorités ethniques. La photo du visage d'une des victimes, tatoué et ensanglanté, a fait la une des journaux locaux pendant plusieurs jours, symbole de la souffrance des Adivasis et de l'extinction de leur culture.

"Nos tatouages faciaux sont notre identité. Ils nous permettent de nous reconnaître entre nous dans l'au-delà, une fois que nous entrons dans le monde des esprits. Ils sont ce que nous sommes. Si cette particularité nous est enlevée, nous ferons partie de la majorité et serons comme tous les autres." assène Marnali Maji.

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Indian Ink : Chapitre 3 - Palika Bazaar, nid de scratcheurs

Texte et photographies par  Laure Siegel and Tom Vater

Mais le tatouage en inde n'est pas toujours une question de vie et de mort. Entre les artistes de rue et les studios de tatouage haut de gamme, une armée d'opportunistes se sont improvisés tatoueurs, pour répondre à la demande d'un gigantesque bassin de jeunes issus de la fameuse classe moyenne indienne, pour qui un tatouage moderne est devenu un indispensable accessoire de mode.

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Dans la mythologie hindoue, Naraka est le monde souterrain, l'enfer où finissent les âmes tourmentées. L'équivalent terrestre le plus proche pourrait être le Palika Bazaar de New Delhi, un marché souterrain de près de 400 stands débordant d'objets et vêtements de contrefaçon, de pornographie et de biens tombés du camion. L'air est chargé d'odeurs : sueur, huile de cuisine, urine, détergent, épices et alcool bon marché. Les raids de la police y sont monnaie courante.

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Artistes de rue et tatoueurs improvisés


Depuis une dizaine d'années, les longs corridors éclairés au néon appauvri accueillent une centaine de mini-shops, en faisant le plus grand marché de tatouage permanent au monde. Avant son existence, les tatoueurs de Delhi officiaient dans les échoppes de barbiers, à l'image des marins américains du 19e siècle qui ont installé les premiers studios de tatouage dans l'arrière-boutique de salons de coiffure.

Aujourd'hui, les jeunes de Delhi descendent dans les entrailles de la ville pour se faire encrer, avec un prix de départ fixé à 300 roupies (5 euros). La plupart des tatouages coûtent entre 500 et 1500 roupies selon la taille du motif. Seules trois filles tatouent à Palika Bazaar, soeurs ou femmes des propriétaires, mais elles représentent la moitié de la clientèle. Elles se font tatouer des petites pièces à l'étage, à l'abri des regards indiscrets.

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Indian Ink : Ravi


Ravi gère le Real 4 Lee Tattoo Shop. Sur son corps, le jeune entrepreneur porte uniquement des tatouages à l'effigie de Lord Shiva, créateur et destructeur de l'univers. Les murs de son cabanon sont couverts de centaines de photographies de tatouages, piquées dans les pages de vieux magazines de tattoo où les dieux côtoient des filles dénudées dans un melting-pot chaotique. Un de ses tatoueurs est en train de piquer une Statue de la liberté aux contours grossiers sur le bras d'un client à peine sorti de l'adolescence. "La plupart de nos clients viennent ici avec une idée qu'ils ont vu sur Internet. Nous faisons beaucoup de covers car la plupart des gens n'ont pas les moyens de se faire effacer leurs tattoos au laser. C'est un business florissant ».

Les standards d'hygiène sont meilleurs que dans la rue, tous les artistes utilisant des gants et de nouvelles aiguilles, mais l'environnement général est glauque et les compétences artistiques des tatoueurs plus que douteuses. Malgré les apparences, accéder à ce job en Inde a un prix. Avant de pouvoir travailler dans un shop de ce genre, il faut payer en moyenne 50 000 roupies (700 euros) au propriétaire du shop pour un apprentissage de cinq mois, porte d'entrée à un marché prolifique et un avenir décent. Dans une boutique clinquante de Bombay, il faut compter jusqu'à 200 000 roupies (2800 euros). Un système qui élimine les nombreux indécis, mais est aussi un défi phénoménal pour les artistes pauvres qui doivent passer des années à économiser avant d'obtenir le droit d'apprendre ce métier.

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Devant le shop de Ravi, un homme chaussé de mocassins en peau de crocodile compte ses billets. Il ne dévoile pas son nom, mais il est le patron et il collecte sa part, boutique après boutique. Bienvenue à Naraka, univers souterrain.

Le tatouage en Inde

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Indian Ink : Chapitre 2 - Tous pour Amma

Texte et photographies : Laure Siegel & Tom Vater

Exprimer son amour... et ses préférences politiques. Des tatouages d'Aung San Suu Kyi lors des élections en Birmanie à la figure de Mustafa Kemal, fondateur de la Turquie moderne lors des manifestations du parc Gezi, en passant par le vénéré roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej après son décès, les liens entre tatouage et personnages d'Etat ne sont pas des phénomènes isolés. Mais les électeurs de l'état indien du Tamil Nadu ont franchi un pas supplémentaire en organisant des cérémonies de tatouage de masse en marge de meetings politiques.

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D. Pandiamall, usurière et militante politique de 52 ans, est assise dans le hall d'entrée de son énorme maison familiale dans la banlieue de Madurai. Pour seule décoration au mur, des portraits de Jayalalithaa Jayaram, une ancienne actrice de cinéma qui vient d'être déclarée ministre en chef de l'état du Tamil Nadu pour la sixième fois. Armée de ses deux smartphones, D. Pandiamall passe des dizaines d'appels à ses fidèles obligés. "Je suis la 13ème conseillère de l'AIADMK à Madurai. Nos membres vont vous montrer à quel point nous sommes dévoués à la cause. »

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Jayalalithaa a dirigé le parti de l'AIADMK de 1989 à 2016 et était particulièrement populaire auprès des femmes. Mais la femme forte qui a brisé le plafond de verre a également passé des années à se battre en justice contre des allégations de corruption. Malgré les scandales, Jayalalithaa, surnommée Amma ("Mère"), a continué à recevoir un soutien inconditionnel de la part de ses fidèles jusqu'à son décès en décembre 2016.

 

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Cérémonies de tatouage de masse en Inde

Quelques minutes plus tard, Panneer Selram, 62, Radha Krishnan, 49 ans, et M.A. Pandi, 47 arrivent dans la cour. Les trois hommes ont le portrait de leur chef et l'emblème du parti tatoué sur le bras. Selram porte également un tatouage du visage de M. G. Ramachandran, connu sous le nom de MGR, une autre star de cinéma tamoule devenu ministre en chef. "MGR voulait tester notre loyauté. Il voulait montrer à nos rivaux combien nous étions déterminés et avoir une idée du nombre de ses fidèles prêts à le suivre. Je me suis fait appliquer son portrait lors de la première cérémonie de tatouage de masse du parti, en 1977. »

 

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Peu de temps après la mort de MGR en 1987, Jayalalithaa a repris à la fois le parti et cette incroyable tradition. Lors de son 68ème anniversaire en février 2016, un millier de volontaires se sont fait tatouer son visage sur l'avant-bras, un exemple très parlant de culte de la personnalité à l'indienne.

Selram arbore deux énormes bagues à l'effigie de son héroïne dans un geste de défi: "Nous sommes prêts à faire face à n'importe quoi pour elle, même à donner notre vie". La déclaration de Selram n'est pas à prendre à la légère. Suite à l'annonce de la mort de Jayalalithaa, qui a laissé l'avenir politique du parti dans l'incertitude, certains de ses disciples les plus dévoués sont allés jusqu'à se suicider en public.

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Le guide du routard tatoué

( Sous-continent indien )

Texte and photographies : Laure Siegel & Tom Vater

Un milliard et demi de personnes, des centaines de langues, une multitude de croyances et de religions, de climats, de géographies, de cultures et de politiques : bienvenue dans le sous-continent indien, un tourbillon d'idées et de couleurs, de saveurs et d'odeurs et probablement l'endroit le plus visuellement stimulant au monde. Depuis la nuit des temps, l'Inde se tatoue. 

Nous avons slalomé entre les tatoueurs de rue du temple de Madurai, a rencontré des militants politiques prêts à se faire tatouer le visage de leur championne, a découvert le plus grand centre de tatouage du monde dans un parking souterrain de New Delhi, a arpenté les marchés de l'est de l'Inde tenus par de fières femmes arborant des tatouages faciaux, a fêté le Ramadan à Bombay avec les artistes Sameer Patange et Eric Jason D'Souza et a documenté les débuts de la scène sri lankaise au milieu de la jungle.

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Contes de la rue

La vaste population de l'Inde se fait tatouer dans la rue pour une poignée de roupies ou lors de grands événements religieux, politiques ou culturels. Mais l'offre à destination des plus aisés s'élargit depuis quelques années. Dans les grandes villes comme Bombay, Pune, de jeunes artistes investissent dans des shops ultra-modernes, tandis que des conventions internationales de tatouage attirent les foules à Katmandou, Goa et Delhi. Entre ces deux extrêmes, la classe moyenne émergente se fait piquer dans des boui-boui qui prolifèrent dans les sous-sols des centres commerciaux, un phénomène qui a accompagné plus ou moins gracieusement l'explosion du tatouage contemporain en Inde.

 

Chapitre 1 - Street tattoo à la sortie du temple

Chaque jour, des milliers de fidèles viennent prier au Meenakshi Amman, le temple hindou le plus important de Madurai, grande ville du Tamil Nadu au sud de l'Inde. Autour de l'édifice coloré, un marché festif prend place tous les matins : produits domestiques, jouets, vêtements, souvenirs religieux, snacks et bonbons, coeurs en plastique, tout est disponible au mela quotidien.

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Inde : guide du routard tatoué

Juste devant la porte principale du temple, une famille de tatoueurs itinérants a répandu sur le trottoir ses tampons en bois sculptés à la main : icônes religieuses, motifs tribaux, emblèmes de partis politiques, visages d'acteurs et de sportifs. Les tatoueurs de rue font partie d'une communauté nomade qui peut être assimilée aux gitans du sous-continent. Dans les campagnes, ils exercent encore la profession de charmeur de serpent et vont de village en village offrir leurs spectacles.

Le jeune marié Navaneetha veut se faire tatouer le nom de sa femme, Jothi, sur la poitrine. Il est accompagné par ladite Jothi, venue apporter son soutien moral. Cinemaguru, son frère Jagannath et son cousin Cinemani, travaillent sur les trottoirs du pays depuis des années. Au stand d'à-coté, la sœur de Cinemaguru propose des menhdi, tatouages temporaires ornementaux au henné. Traditionnellement obtenus à partir d'une pâte végétale, ils sont de plus en plus composés de colorants chimiques qui brûlent la peau mais restent incontournables pour être la plus belle pour aller danser aux mariages.

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Inde : guide du routard tatoué, le rapport au client

Le client et l'artiste s'accordent sur un prix de cinquante roupies (70 centimes d'euros) et Cinemaguru prépare son équipement : une aiguille tâchée alimentée par une batterie de moto, à l'abri dans un sac plastique, et une bouteille d'encre noire, achetée dans un magasin de fournitures de bureau. Navaneetha ne demande pas une nouvelle aiguille et Cinemaguru n'en offre pas.

 

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Les dermatologues et tatoueurs qui travaillent dans des shops aux standards internationaux déplorent l'existence de stands tels que celui de Cinemaguru. Le manque d'hygiène présente un fort risque de contracter un certain nombre d'infections cutanées ainsi que le trio infernal hépatite B - tétanos - VIH. Mais la grande majorité de la population peut seulement se permettre de consacrer quelques dizaines de roupies pour un tatouage et tant que le prix de départ d'une pièce dans un shop décent sera de 1500 roupies (20 euros) et que les Indiens gagneront un salaire moyen de 9000 roupies (125 euros), les tatoueurs de rue auront encore de beaux jours devant eux.

Cinq minutes plus tard, Cinemaguru a fini, Navaneetha est extatique et Jothi soulagée. Cinemaguru applique de l'huile de coco avec un chiffon sale sur la plaie et se prépare pour son prochain client.
"Mes tatouages ​​sont populaires car ils sont bon marché et j'ai beaucoup de motifs disponibles. C'est le seul moyen d'expression personnelle pour les pauvres" conclut t-il.

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Léa Nahon

Texte et photos : ©P-mod

Quinze ans que Léa Nahon tatoueuse, vogue à la barre de son navire, voilé de ses lignes brutes où s'entrecroisent érotisme brut et instants spontanés et que l'on retrouve transposés de ses carnets de croquis à l'épiderme de ses clients.

Le temps d'un passage sur sa chaloupe, la blackworkeuse nous parle de sa Belgique, de son expérience ou de ses nombreux projets futurs à son image : singuliers et authentiques.

Tu sembles t’être retirée pendant un temps avant d'être revenue de plus belle aujourd'hui, une raison en particulier ?

Retirée n’est peut-être pas le mot, mais j’ai dû mettre un gros frein en effet. J’étais sur la route depuis des années, dans les trains, avions, bagnoles, à dormir dans  des hôtels ou sur les canapés des potes, sans vraiment jamais me poser chez moi. J’étais fatiguée. Le tattoo demande un travail permanent et la route est chouette mais je n’avais que très peu de temps pour mes amis et ma famille. Ma mère était obligée de prendre rendez-vous avec moi pour que l’on déjeune et mes frères et sœurs recevaient des cadeaux d’anniversaire par la poste de Los Angeles. Ça ne remplace pas la présence physique.

J’ai donc décidé de lever le pied. J’ai arrêté les conventions pendant une année ou deux. Il fallait que je stoppe net, sinon j’aurais fais de chaque évènement une exception. J’ai redécouvert le plaisir de lire un livre, de regarder un film sans dessiner devant, d’aller me balader. J’ai aussi calmé le jeu sur les rendez-vous. Je n’avais pas besoin de bosser autant, j’avais juste peur de décevoir mes clients, je faisais passer les tattoos et mes clients avant mon entourage et même ma santé. Il faut sortir de l’engrenage pour se rendre compte à quel point on est dans le faux. Depuis j’ai repris les conventions, je travaille moins, mais mieux, et je sais prendre du temps pour moi et pour mon entourage. 

C'est la route qui t'avais amené au sketchbook comme support de travail initial ?

Non, ça, c’est l’héritage de l’Ecole Boulle [NDLR : où Léa a passé son Bac en Arts appliqués]. Les profs nous obligeaient à tenir un carnet de croquis tous les jours, on était notés dessus à la fin du mois, donc on avait intérêt à être assidus. J’ai pris le pli et puis je ne me suis plus jamais arrêté. Ça a donc commencé à mes quinze ans, j’ai une sacrée collection à la maison! Et puis en effet c’est pratique pour les voyages. Plus facile à sortir dans le train que le chevalet et la peinture à l’huile!

 

Dans tes carnets et tes tatouages, on retrouve la des instants saisis que l’on pourrait retrouver dans les photographies de Nan Goldin ou dans les autoportraits d’Egon Schiele par exemple, qu’est-ce qui te touche les travaux de ces artistes ?

Justement ce côté spontané. Les photos de Goldin figent un moment qui n’a pas été choisi par le modèle, un peu comme les portraits de Schiele, comme si personne ne posait, ou que les modèles ne sont pas au courant qu’ils ont été pris en photo ou croqués. Je travaille d’après photos, et à part les photos de Thomas Krauss ou quelques autres, ce sont mes photos qui me servent de base. Donc mon entourage. Je prends des photos tout le temps, et certaines qui paraissent ratées m’offrent une base de travail super. C’est l’absence de pose qui m’a plu chez ces deux artistes et que j’ai reproduis sans trop m’en rendre compte. 

J’aime bien les erreurs aussi qui mènent souvent à des trucs supers. Mais je dois avouer quand même que cette technique, en tout cas pour le tattoo m’arrange bien. Si mon client bouge, pas de problème, on refait un trait à côté et hop, ça donne super bien! Il y a au moins 50% de flemme, mais le résultat me plait plus que si je faisais tout bien léché, et mes clients semblent apprécier aussi, donc tout le monde y gagne!

Ça fait un petit moment que tu collabores avec Thomas Krauss, peux-tu nous parler de ce qui t'as touché dans ses photographies et de ce qui a nourri votre collaboration?

J’ai rencontré Thomas en posant pour lui et en voyant le résultat de ses photos avec d’autres tatoueurs. C’est drôle, car même en faisant poser les gens, il arrive à faire ressortir un côté spontané, comme si le modèle était sur le point de dire ou de faire quelque chose. Ce n’est jamais figé. J’aime encore plus lorsqu’il prend des photos sur le vif, quand il traine pendant des heures jusqu’à ce qu’on ne le voit plus dans la salle et qu’il revient avec des bribes de vies dont on ne s’était même pas rendu compte. Ces photos là sont plus dures à dessiner, mais c’est de l’or pour moi!  

Tout dépend de la photo que je vais trouver. C’est pour ça que j’ai du mal à suivre une ligne directrice dans mes dessins, parce que le thème ne dépend pas vraiment de moi.. Si je vois une photo passer, que ce soit dans un bouquin ou sur internet et que je la trouve chouette (l’angle, l’expression de la personne, la position, etc…), je la mets de côté et je la dessine. Mes clients trouvent parfois des trucs super profonds dans mes dessins, parce que ça leur rappelle quelque chose, quelqu’un, quoi que ce soit. Je préfère les laisser à leur interprétation, leur histoire sera sans doute plus intéressante que la mienne!

Quel est ton regard sur monde du tatouage et de son évolution depuis tes débuts il y a 15 ans ?

Je suis de la vieille école où l’on devait savoir tout faire pour survivre dans ce métier. Un bon tatoueur devait savoir répondre à toutes les demandes. On ne venait jamais au tatouage parce que c’était cool et que ça rapportait de l’argent. C’était plutôt l’inverse. Des années de ménage sans toucher un centime, des heures à souder des aiguilles en se prenant les effluves d’acide dans le nez, la vaisselle et stérilisation quotidienne des tubes, et une fois tout ça fait, des heures de dessins, tous styles confondus. Pas le temps de développer son style ou dessiner ses envies. C’était la galère, rien à voir avec le côté glamour qu’on lui prête aujourd’hui!

J’aime à croire que j’ai contribué à ce que les tatoueurs osent sortir des codes imposés et tentent de nouvelles choses sur la peau des gens. Je suis arrivée à développer ce « style » croquis après avoir parfait des tas de dessins, après des études diverses et variées de toutes sortes d’objets, d’animaux, de corps humains, tous styles confondus. Il n’y a que deux ans que je ne tattoo que mes propres dessins. Des collègues tels que Yann Black et Joe Moo (pour ne citer qu’eux) sont de supers dessinateurs et sont revenus par choix à ce style épuré que l’on connait. Je trouve que beaucoup de jeunes tatoueurs s’arrêtent à ce qu’ils savent faire et appellent ça leur style plus par dépit que par choix. 

Mais paradoxalement, il sort de tous ces « nouveaux » tatoueurs des styles de plus en plus dingues, des idées que personne n’avait jamais eu parce que trop coincés dans une pensée « tattoo », et je trouve ça super. Je suis surprise tous les jours par de nouveau trucs que je vois sur la toile et je me demande ce qu’ils vont encore nous sortir de nouveau, jusqu’où est-ce que ça va aller? 

Le tattoo a complètement changé ces dix dernières années, mais en tellement bien. Et les gens se font de plus en plus tatouer parce qu’ils attendait qu’on leur propose des trucs comme ça, pas seulement parce que la tattoo passe à la TV.  

Quels aspects liés à ton expérience t'ont conforté dans tes choix, et qu'est ce que tu ne referais plus ?

Je me conforte dans l’idée que le travail assidu paye. Je ne parle pas d’argent mais de confort de vie. Toutes ces années sur la route à ne pas trop savoir où j’allais, à rencontrer un maximum de gens et tenter de m’imposer dans un univers quand même assez particulier m’ont bien forgées. Je peux me permettre de travailler un peu moins ( je suis descendue de 4 à 2 tattoos par jour, ouiiii!), je peux ne tatouer (presque) que mes dessins, je travaille avec des gens que j’admire beaucoup, tout ça n’aurait pas été possible sans toutes ces années de travail incessant. Et puis j’ai une vie de souvenirs!

Il n’y a rien que je ne referais pas, disons seulement que pour certains cas, je suis contente que le ridicule ne tue pas!

Tu peux parler de ton lien avec Belgique, Léa ?

Il est fort, mon lien avec la Belgique! Pendant des années de voyage, à chaque fois que je revenais à Paris, je me disais que c’était quand même la plus belle ville du monde et je n’ai jamais trouvé d’endroit où je me sente mieux. Jusqu’à ce que je vienne à Bruxelles. 

J’ai grandi à Belleville à Paris, un quartier bien populaire. Mais les villes changent. Et j’ai retrouvé dans les Marolles (le vieux Bruxelles où se trouve la Boucherie Moderne) l’ambiance du Belleville de mon enfance, avec le vieux marché et les papis qui boivent du blanc à 8h du mat. A force d’y faire des aller-retour, je me suis installée. 

Et puis la ville a changé aussi, et j’ai suivi mon mec à Liège où je retrouve beaucoup cette ambiance un peu vieillotte, des pavés, des vieilles usines et une ambiance punk indécrottable qui fait de Liège la ville de tous les danger si tu as quelques tendances vers l’alcool et les drogues. Elle ne s’appelle pas ToxCity pour rien! 

Entre ton bateau, l'Usine et l'Angleterre tu as beaucoup de nouveaux projets dans les cartons, peux-tu nous en parler ?

Oui, plein de projets, en effet!!! 

Prenons -les dans l’ordre. D’abord le bateau : j’ai fais l’acquisition d’un superbe « petit » remorqueur de 17 mètres en mai dernier. Le projet initial était de faire un tattoo shop dedans, vu que je n’avais pas de shop dans lequel bosser à Liège. Mais les travaux risquent de durer au moins encore un an d’où le projet suivant de l’Usine. On a passé tout l’été à travailler dessus, faire des barbecues sur le quai du chantier (avec baignades dans le canal pour se rafraichir), donc vivement les beaux jours que l’on remette ça. Le projet d'y tatouer dedans n’est pas abandonné. Je tiens à faire un peu de tatouage itinérant avec dès qu’il sera remis à l’eau, mais dans un premier temps, plutôt du côté d’Amsterdam et dans ces coins là. 

Et puis L’Usine qui ouvrira ses portes au mois de juin 2016. C’est en voyant le lieu à louer avec mon amie Sabina [NDLR : Sabina Patiperra - Psychodermo, Namur] qui tatoue à Liège aussi, qu’on a flashé dessus. Si c’était pour ouvrir un énième tattoo shop à Liège, on ne l’aurait jamais fait, mais cet endroit comporte une galerie séparée de l’espace tattoo et c’est vraiment ce qui nous a plu. Donc à partir du mois de juin, expos tous les deux mois, tattoo et enfin un peu de stabilité! 

Et puis dès que la stabilité ne sera plus une découverte, je compte bien traverser la Manche pour aller m’installer un peu à Brighton, où je travaille régulièrement. Là, le bateau deviendra la maison. Mais on en est pas encore là…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nouveau challenge donc avec la gestion d'une galerie.  Quel objectif tu vises avec cette ouverture ? Qu'est ce que tu souhaites y défendre ?

Je pense qu’on va prendre les choses comme elles viennent, surtout. Les problèmes logistiques arriveront bien vite (la communication, repeindre les murs après que les artistes soient venu nous les foutre en l’air, etc..). Mais en effet, il y a des choses qui sont importantes pour nous. Nous ferons une expo tous les deux mois (notre agenda de conventions ne nous permet pas d’en faire plus souvent). Un petit pourcentage sera pris sur la vente des œuvres qui sera entièrement reversé à des œuvres caritatives différentes à chaque fois. 

Ce côté-là est très important pour nous. Je trouve que le monde du tatouage brasse assez d’argent pour qu’on puisse faire bouger les choses, même à notre petite échelle. Nous avons des murs, donc un espace ouvert à la liberté d’expression, ce qui est déjà une arme forte, et si en plus on peut sortir des gens de la merde en faisant la fête, tout le monde y gagne. 

Tu signes l’exposition d’ouverture avec Köfi, par la suite qui comptes-tu y inviter ? Des artistes issus de la nouvelle génération?

Après cette expo, nous en feront une autre en août avec plein d’artistes liégeois, tatoueurs ou pas. Un gros melting pot  de tout ce qu’il se fait ici, tous styles confondus. Et dès la rentrée,  Piet du Congo, Franky Baloney des Requins Marteaux, et Elzo Durt. Ça nous mène déjà en 2017, donc on verra pour la suite. Donc nouvelle, ancienne génération, tout le monde est le bienvenu. Et si en plus on peut faire découvrir de nouveaux talent, encore mieux!

Avec tous ces projets, tu vas continuer à exposer en Europe de façon intensive comme tu l’as fait les dernières années ?

Oui, bien sûr! Le fait d’être posée à Liège me permettra de dessiner encore plus, donc je compte bien continuer les expos et les guests tattoo un peu partout. C’est l’avantage d’ouvrir l’Usine à deux, aussi, on peut se relayer. Les prochaines expos arriveront assez vite après l’ouverture, je serai à Nantes chez Turbo Zero au mois d’octobre, puis à Toulouse au Dispensary (sans doute en collaboration avec Thomas Krauss) au mois de décembre et à Portsmouth en Angleterre, chez Play Dead au mois de janvier. Après, on verra bien!

Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

On en reparle quand le shop est ouvert? Pour le moment, rien de plus, s’il te plait !

www.leanahon.com

 

 

 

 

 

 

 

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